Quetzalcóatl
A toi, serpent à plumes de quetzal et dieu des neuf vents, je fais cette offrande de jade, d’oiseaux, de serpents, de tigres et de papillons. Fuyant la colère du seigneur du royaume des morts, de la nuit et du Nord, je ramène les os anciens d’une humanité disparue, pour les confier à la déesse du foyer. Qu’elle les réduise en poudre de couleur ! Je ferai en sacrifice couler dessus le sang de mon pénis, pour former la pâte d’une humanité nouvelle. Le pain et l’argile, l’asphalte, le plastique des plantes brisées du passé et les images joueuses du monde des énergies fossiles brûleront une dernière fois dans ce creuset, d’une flamme claire et joyeuse, afin que tous puissent venir se réchauffer à la couleur du feu, entendre le crépitement apaisant des bulles de sève, idées d’arbres à venir. De mon coutelas de silex, je tracerai tes oreilles de coquillage, ton pagne de maïs et ton chapeau tronqué d’enchanteur, Quetzalcóatl, je dessinerai pour toi le contour des perruches, des toucans précieux et du phénix qui niche en Camargue, flamant aux ailes déjà embrasées. Protecteur des artisans, donne-nous la force de franchir à nouveau l’océan pour inventer un nouveau monde, le courage des oiseaux migrateurs qui franchissent les cordillères ! Fais-nous relire les taches du jaguar et prolonger les lignes du tigre ! Remplace nos têtes par celles des chiens et des vautours, afin que nous puissions habiter parmi les ruines, sur la cendre féconde du volcan contemporain.
En tant que sorcier plasticien, Quetzalcóatl, je tends vers toi, non pas mon cœur encore fumant ni celui d’aucune victime, mais les fruits de l’imagination et les plumes de fer de l’artiste guerrier. Que ces œuvres distillent peu à peu leur puissance partout où les cinq soleils éteignent leur lumière, partout où la terre blessée ne donne plus de fruit.
texte de Thibault FRANC